Le Maître et Marguerite
Littérature (incontournable !)
À offrir ou à s'offrir !...
Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov.
(Nouvelle traduction d'André Markowicz et Françoise Morvan, éditions Inculte)
"Un
jour le Diable vint sur terre... Un jour le Diable vint sur terre pour
surveiller ses intérêts. Il a tout vu le Diable. Il a tout entendu..."
Disait Jacques Brel, il y a longtemps déjà, dans une chanson pourtant d'une étonnante actualité...
Ce
ne devrait donc surprendre personne qu'il (le Diable) ait décidé, un
beau jour, d'aller jeter un oeil, et même un peu plus qu'un oeil, à
Moscou, dans ce pays (l'URSS) qui prétendait vouloir être athée (*)...
Où l'on voit qu'il est bien plus difficile de se débarrasser du Diable
que de Dieu...
Trois
récits, en fait, composent le roman. Trois récits qui se renvoient les
uns aux autres, et aussi par moments, irrésistiblement, à la vie de
l'auteur. Mikhaïl Boulgakov, né à Kiev le 3 mai "ancien style", ou le 15
"nouveau style" (°) 1891. Baigné de culture dès l'enfance, notamment
dans la datcha familiale où ils se réunissent l'été et organisent des
spectacles amateurs familiaux et amicaux. Médecin de formation, c'est en
1920 à Vladikavkaz, qu'il décide d'abandonner la médecine pour se
consacrer corps et âme à la littérature et au théâtre. Toute sa vie à
dater de cette décision sera une lutte sans relâche pour parvenir a
publier et/ou faire jouer ses œuvres (ou adaptations). Objet d'une
surveillance permanente par la GPU (**), qui le perquisitionne et
l'interroge à plusieurs reprises, saisi le manuscrit de sa nouvelle "Coeur de chien"
en 1926, et note en 1929 une information selon laquelle Boulgakov
aurait entrepris la rédaction d'un "roman sur le diable" imaginé fin de
l'année précédente...
Ce roman qui deviendra "Le Maître et
Marguerite" (ce titre n'apparaît que fin 1938), dont à deux reprises,
par peur, il brûlera le manuscrit, pour se remettre à chaque fois à
l'ouvrage, et qu'il retravaillera jusqu'à sa mort... Il dictera encore
quelques corrections à son épouse le 13 février 1940. Il décède le 10
mars. La première version non censurée sera éditée en Allemagne en 1969.
En Russie, il faudra attendre 1973.
Ainsi que l'écrivait Efim Etkind à propos de "Vie et destin" de Vassili Grossman (une autre oeuvre majeure dont il faudra que je vous parle un de ces jours): "La mise sous les verrous d'un roman est la plus haute distinction que le pouvoir d'État puisse décerner à un roman (...) Qu'il semblait fort, pourtant, ce pouvoir aux nerfs si fragiles, avec ses chars, son aviation, ses imprimeries, sa radio, sa télévision, ses missiles et son énergie nucléaire ! Et voilà qu'il a peur d'un roman ! Du manuscrit d'un roman ! De feuilles de carbone, même, dans la mesure où on peut lire «par transparence»."
Si
l'impérieuse nécessité de domination des média, dont nous avons pu
admirer l'application grandeur nature dans nos pays dits démocratiques à
l'occasion des récentes et prolongées péripéties virales et militaires,
est aisément compréhensible. Quel cinglant aveu de faiblesse que ce
besoin de contrôler de surcroît les productions (et représentations)
artistiques !
Dans ces trois récits qui se renvoient les uns aux
autres, et dans lesquels Boulgakov convoque toutes les dimensions de la
création littéraire - récit historique, roman d'aventure, comédie,
pamphlet, tragédie, fantastique, sociologie, psychanalyse, burlesque,
drame... - dans un formidable hymne à la liberté de création. Ce qui est
insupportable, précisément, c'est que l'on puisse y lire "par
transparence"... Que parfois le surgissement d'un absurde désordre en
dit long sur l'absurdité de l'ordre perturbé... Que l'on peut jouir
d'une infinie liberté dans un espace intérieur même étriqué, et être
"enfermé" à l'extérieur, dans l'espace public...
Entre autres exemples que me viennent à l'esprit...
La question la plus fondamentale restant: Quelle force pousse un homme à s'investir, jusqu'à son dernier souffle, dans la création d'une œuvre qu'il sait impubliable ? Lui qui avait écrit à maintes reprises et en vain, à Staline et à Gorki pour obtenir, s'il ne pouvait exercer son métier d'écrivain, au moins, l'autorisation d'émigrer...
" - Et pourquoi ne le prenez-vous pas chez vous, dans la lumière ?
- Il n'a pas mérité la lumière, il a mérité le repos, repondit Lévi..."
Bonne lecture... Gageons qu'à l'avenir, vous ne Lui enverrez plus personne, ni ne vous en ferez l'avocat, à la légère...
* * *
Pour en savoir plus :
-
Je ne peux que vous conseiller d'écouter le traducteur, André Markowicz
présenter son travail, à la Librairie du Globe à Paris. Ici.
- Il existe également un site internet (belge) exclusivement consacré à ce roman, créé par un passionné, Jan Vanhellemont.
* * *
(*)
Quoi de plus religieux que le Parti communiste ?... Quoi de plus
politique que les religions (dites) "révélées" ?... En y regardant de
plus près...
(°) Comme expliqué dans une précédente note, le 3 mai du calendrier Julien = le 15 du calendrier grégorien.
(**)
Guépéou, ou Oguépéou : police d'Etat fondée en 1922 (acronyme de
"Direction politique unifiée d'Etat"). Absorbée par le NKVD
(Commissariat du peuple aux affaires intérieures) en 1934.
- à NE SURTOUT PAS acheter sur Amazon !!! Il y a (encore) des libraires dans ce pays. Merci -
Autres Notes interculturelles...
"Si vis pacem..." l'article, manifeste, en quelque sorte, de notre association.
Vous pouvez nous suivre sur notre page Facebook. Mais, étant donné que mieux vaut prévenir que guérir, et pour éviter les possibles problèmes de censure, nous avons également un canal Telegram