La Chronique (dite) de Nestor...
Littérature - Histoire (et histoire)
En un temps, qui me semble aujourd'hui si lointain (ce n'est pas tant le temps qui compte que les kilomètres parcourus...), dans l'archipel des Orcades au nord de l'Écosse, il me fut donné de découvrir (et de m'y plonger) l'Orkneyinga Saga où l'on peut lire qu'Earl Rognvaldr, ayant atteint Jérusalem, vogua ensuite vers Byzance, où il fut reçu par l'Empereur Manuel II, puis rentra en Scandinavie en "suivant le chemin habituel des pèlerins" jusqu'au Danemark...
Par où, précisément, était-il passé ? Fut la question qui me conduisit, bien des années plus tard (et en des circonstances qu'il serait trop long de narrer ici) à Kiev et à la "Chronique de Nestor" où l'on peut lire: "Du temps où les Polianes vivaient isolés dans leurs montagnes, il y avait une route qui allait du pays des Varègues en Grèce et du pays des Grecs chez les Varègues, le long du Dnieper; et au-dessus du Dnieper il y avait un portage pour les bateaux jusqu'à la Lovot; par la Lovot on entrait dans le grand lac Ilmen. De ce lac sort le Volkhov qui tombe dans le grand lac Nevo, d'où il coule dans la mer des Varègues..."
Cette chronique, attribuée à un certain Nestor, moine, qui aurait en fait compilé nombre de documents et témoignages, entre 1111 et 1118, au monastère Киево-Печерская лавра (Laure des grottes de Kiev, monastère au départ troglodyte, fondé en 1051 par des moines venus du mont Athos en Grèce, Saint Antoine l'Athonite et Saint Théodose des grottes, haut lieu de la religion orthodoxe, classé patrimoine mondial par l'unesco en 1990 - Il n'est pas inintéressant de noter que le mot russe Лавра signifie à la fois monastère et laurier. De cela aussi nous pourrions parler...). Mais revenons à notre chronique. Connue en russe sous le nom Повесть временных лет (lit. "Récit des années révolues"), il s'agit du plus ancien texte historique connu traitant des origines de la Russie primitive.
Outre la confirmation de l'existence et les détails du tracé de cette Route de l'Est (austrvegr), on retrouve ici, comme dans les Sagas Scandinaves (écrites à la même époque) la référence à Noé (voir ma Note: Город (Gorad) du 10/07/2023). Procédé assez courant de légitimation de l'importance du sujet traité en en faisant remonter l'origine à des temps ancestraux, ici bibliques, l'auteur étant moine orthodoxe. Le récit commence donc avec le partage du monde entre les fils de Noé: Sem, Cham et Japhet.
Légitimation du sujet traité, mais aussi auto-légitimation du lieu d'où il écrit, en rapportant que, venant de Chersonèse en Tauride (c'est à dire en Crimée, j'aurai l'occasion d'y revenir...) où il avait appris l'existence de peuples slaves à évangéliser, plus au Nord, et faisant étape en remontant le Dnieper : "Le lendemain en se levant, il (parlant de Saint André) dit aux disciples qui étaient avec lui: voyez-vous ces montagnes; la bénédiction du Seigneur resplendira sur elles; une grande ville s'y élèvera et Dieu y bâtira beaucoup d'églises. Puis montant sur les montagnes, il les bénit, y planta une croix, et après avoir prié le Seigneur, il descendit de la montagne où fut Kiev par la suite..."
La suite... Est dans le livre... Dont le récit se termine avec l'arrivée au pouvoir de
Vladimir II Monomaque (1113)...
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Il en existe à ma connaissance deux éditions disponibles en français :
Soit : Le fac-similé de la traduction de Louis Léger (1884) édité en collaboration par Hachette et la BnF , ou la traduction de Jean-Pierre Arrignon, aux (indispensables) éditions Anacharsis
- à NE SURTOUT PAS acheter sur Amazon !!! Il y a (encore) des libraires dans ce pays. Merci -
Autres Notes interculturelles...
"Si vis pacem..." l'article, manifeste, en quelque sorte, de notre association.
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